Retour

La montre à longitudes verticale

Par Dominique Mouret, pendulier-restaurateur, et Ariane Maradan, chercheuse indépendante

C’est avec la description d’une montre verticale que Ferdinand Berthoud ouvre son Traité des Montres à Longitudes[1], publié en 1792. Exécutée deux ans auparavant, cette pièce de conception nouvelle sera la première d’une série présentant un cadran en position verticale.

 

 

Un garde-temps portatif, sur mer et sur terre

 

Vers 1785, Ferdinand Berthoud a travaillé à la conception d’une pièce portative, de dimensions réduites, offrant différents usages. Placée sur sa suspension à la Cardan et abritée dans son coffret, elle était utilisée lors de navigation en mer et de déplacements terrestres en voiture. Par ailleurs, elle pouvait « au besoin être portée par l’observateur, soit pour aller à terre ou sur le pont [du vaisseau] : or dès lors la position de ces machines devient nécessairement verticale, soit qu’on la porte dans la poche de la veste ou autrement […] »[2], par exemple en sautoir au moyen d’un cordon. Repositionné sur sa suspension, ce garde-temps astronomique pouvait également prendre place sur une table ou une cheminée.

 

Ne pouvant servir de référence unique sur le navire, les montres verticales étaient destinées à accompagner les horloges à longitudes horizontales. Berthoud en réalisa plusieurs évolutions, s’efforçant de réduire leur coût de fabrication pour les rendre accessibles à un plus grand nombre de navigateurs.

 

 

La montre à longitudes verticale N° 64

 

Conservée dans les collections du L.U.C.EUM, la pièce portative verticale N° 64 illustre brillamment ce segment de la production de Ferdinand Berthoud et est mentionnée dans la Suite du Traité des Montres à Longitudes[3], ouvrage dans lequel l’horloger explique l’évolution de ses montres à longitudes, numéro après numéro.

 

D’une réserve de marche de 35 heures, son mécanisme comporte une fusée équipée d’une corde en boyau, quatre mobiles incluant la roue d’échappement à détente pivotée, battant la seconde, un balancier maintenu par trois galets. Selon Berthoud, ce type de montre verticale « doit sa justesse à la nature de ses principes et à la simplicité de sa composition. »[4]

 

 

Jean Martin, le talent et la main

 

Ferdinand Berthoud nous présente ainsi l’artisan de cette pièce : « Jean Martin est né dans ma maison de Groslay en 1773. Lorsqu’il eut atteint l’âge de treize ans, l’ayant fait travailler quelques temps sous un de mes ouvriers, je lui reconnus de l’adresse et de l’intelligence. En conséquence, je pris la résolution de le destiner à l’horlogerie et de l’envoyer faire son apprentissage auprès de M. Vincent Martin[5], alors Horloger de la Marine à Brest […] »[6]

 

De retour à Groslay en 1793, Jean Martin exécutera sous la direction de Berthoud plusieurs montres et horloges à longitudes, dont la présente pièce, en 1795. Cette même année, Ferdinand Berthoud fut élu membre de l’Institut national nouvellement fondé, section des Arts mécaniques.

 


Légendes des illustrations

 

1. La figure 1 de cette planche gravée, extraite de l’ouvrage de Ferdinand Berthoud, Suite du Traité des montres à longitudes (Paris : Imprimerie de Baudelot et Eberhart, 1797, planche II, suite), reproduit la montre N° 60, représentative de la série de pièces portatives verticales de Berthoud.

 

2. Ferdinand Berthoud, montre à longitudes verticale N° 64, 1795, vue d'ensemble (Collection L.U.CEUM, Fleurier). Dimensions : Hauteur 15,8 cm, Largeur 9,5 cm, Profondeur 8,5 cm, Diamètre de la montre 6,5 cm, Epaisseur de la montre 3,8 cm.

 

3. Ferdinand Berthoud, montre à longitudes verticale N° 64, 1795. Garde-temps hors de sa suspension, cadran portant l’inscription gravée « N.° 64 / F.d Berthoud Inv.e / J.n Martin Exéc.e 1795 ».

 

4. Ferdinand Berthoud, montre à longitudes verticale N° 64, 1795. Vue arrière présentant le système de compensation thermique à deux lames composées (acier et laiton) qui agissent directement sur la longueur active du spiral.

 

5. Ferdinand Berthoud, montre à longitudes verticale N° 64, 1795. Vue du mécanisme entre platines, côté fusée.



[1] Ferdinand Berthoud, Traité des montres à longitudes, Paris : Imprimerie de Ph.-D. Pierres, 1792, chapitre premier, « Montre à longitude verticale N° 46 », pp. 1-22.


[2] Ferdinand Berthoud, Suite du Traité des montres à longitudes, Paris : Imprimerie de Baudelot et Eberhart, 1797, chapitre premier, pp. 1-2.

 

[3] Berthoud, Suite du Traité des montres à longitudes (réf. en note 2), p. 34.

 

[4] Ferdinand Berthoud, Supplément au Traité des Montres à Longitudes, Paris : Imprimerie de J.-M. Eberhart, 1807, « Avertissement de l’auteur ».

 

[5] Elève puis collaborateur de Ferdinand Berthoud, Vincent Martin a exécuté différents garde-temps sous la direction de son maître, parmi lesquels la première montre à longitudes verticale, portant le N° 46. A ce jour, nous ne lui connaissons pas de lien de parenté avec Jean Martin.

 

[6] Berthoud, Supplément au Traité des montres à longitudes (réf. en note 4), p. 30, note 21.