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Ferdinand Berthoud et ses dépôts à l’Académie des sciences de Paris 

Rossella Baldi

Au long de sa carrière, Ferdinand Berthoud dépose régulièrement divers mémoires et procédés à l’Académie des sciences. Son assiduité témoigne de ses talents et lui assure la protection de membres influents de la société savante. Ces derniers lui garantissent la suprématie dans le domaine de la chronométrie de marine au milieu des années 1760, lui ouvrant ainsi les portes du succès.



 Dans le Paris du XVIIIe siècle, aucun système de brevet protégeant les droits de propriété intellectuelle des artisans et des inventeurs n’existe encore. C’est l’Académie des sciences qui monopolise le terrain de l’invention technique et scientifique. Ainsi, le seul moyen pour faire reconnaître formellement l’ingéniosité et l’utilité d’un procédé est de le soumettre au jugement des savants. Pour chaque soumission, une commission d’experts généralement constituée de trois membres analyse et approuve, parfois de manière arbitraire, idées et objets. Comme le reconnaît Ferdinand Berthoud, « les approbations de l’Académie ne doivent pas toujours servir de fondement pour fixer la bonté d’une machine […]. Ces Messieurs, pour favoriser les progrès des Arts, sont obligés de louer les Artistes »[1].


 Nombre de procédés déposés à l’Académie viennent de l’horlogerie. La course à la création horlogère et au développement de nouveaux échappements devient particulièrement dynamique dans les années 1750. Ferdinand Berthoud n’est pas en reste. En 1752 déjà, il envoie un mémoire sur une pendule à équation, qui lui vaut probablement sa collaboration avec l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. La simplicité et l’ingéniosité de la pendule sont mentionnées dans l’organe officiel de l’Académie, le volume de l’Histoire de l’Académie royale des sciences de l’année 1752[2].


 En 1754, devenu maître horloger, Berthoud voit une autre de ses pendules à équation, ainsi qu’une montre, approuvées par l’Académie. De plus, la même année, il dépose un premier projet de machine « pour mesurer le temps en mer » sous la forme d’un pli cacheté, un document scellé permettant de protéger la date d’une découverte. Le projet témoigne de l’engagement précoce de l’horloger de Plancemont sur Couvet dans le domaine de la chronométrie marine.


Six ans plus tard, il propose une nouvelle description « des principes de construction d’une horloge marine », toujours sous la forme d’un pli cacheté. Il s’agit de l’horloge marine N° 1.


À la demande de Ferdinand Berthoud, le document (dont un complément est déposé en février 1761) est descellé dès son retour de Londres au mois de juin 1763. Le maître-horloger confirme ainsi que malgré l’échec de sa mission anglaise, son projet de machine précédait la montre marine de John Harrison.


Le rapport des experts de l’Académie, qui consacre Berthoud en tant que chronométrier, ne sera cependant rédigé qu’une année plus tard, en juin 1764. Profitant de son succès grandissant, Ferdinand Berthoud présente en août 1764 un mémoire sur la manière de tester son horloge marine en mer. Dans le même texte, il annonce la réalisation de trois nouvelles pièces, dont il remet la description sous la forme d’un pli cacheté.


Son séjour londonien semble d’ailleurs l’avoir inspiré. En effet, il dépose également en septembre 1763 le projet d’un pendule avec thermomètre calqué sur le modèle de celui qu’a réalisé Harrison et un mémoire sur le vernis anglais en septembre 1764.


 À la même époque, Pierre Le Roy soumet aussi à l’Académie un projet d’horloge marine qui ne semble toutefois pas susciter l’enthousiasme des savants. Ferdinand Berthoud obtient désormais la faveur de l’illustre assemblée. Pour preuve, dans un discours prononcé en février 1765 devant ses confrères, le mathématicien Pierre Charles Le Monnier rêve d’une mission en mer franco-anglaise, comparant sur le même navire les horloges marines de Berthoud et de Harrison lui-même. Ce n’est que deux ans plus que, comme on le sait, l’Académie lancera son premier concours de chronométrie de marine.


Légendes images

Jean-Gaffin Gallon, Machines et inventions de l’Académie royale des sciences, depuis son établissement jusqu’à présent ; avec leur Description, t. VII (depuis 1734 à 1754), Paris, Antoine Boudet, 1777, page de titre.

Jean-Gaffin Gallon, Machines et inventions de l’Académie royale des sciences, depuis son établissement jusqu’à présent ; avec leur Description, t. VII (depuis 1734 à 1754), Paris, Antoine Boudet, 1777, p. 425.

Ferdinand Berthoud, « Pendule à équation », gravure sur cuivre, par De la Gardette Sculp., in : Jean-Gaffin Gallon, Machines et inventions de l’Académie royale des sciences, depuis son établissement jusqu’à présent ; avec leur Description, t. VII (depuis 1734 à 1754), Paris, Antoine Boudet, 1777, pl. I, pp. 425-428.

Jean-Gaffin Gallon, Machines et inventions de l’Académie royale des sciences, depuis son établissement jusqu’à présent ; avec leur Description, t. VII (depuis 1734 à 1754), Paris, Antoine Boudet, 1777, p. 473.

Ferdinand Berthoud, « Pendule à équation qui va un an sans remonter », gravure sur cuivre, par De la Gardette Sculp., in : Jean-Gaffin Gallon, Machines et inventions de l’Académie royale des sciences, depuis son établissement jusqu’à présent ; avec leur Description, t. VII (depuis 1734 à 1754), Paris, Antoine Boudet, 1777, pl. I, pp. 473-476.

Ferdinand Berthoud, « Pendule à équation », gravure sur cuivre, par De la Gardette Sculp., in : Jean-Gaffin Gallon, Machines et inventions de l’Académie royale des sciences, depuis son établissement jusqu’à présent ; avec leur Description, t. VII (depuis 1734 à 1754), Paris, Antoine Boudet, 1777, pl. II, pp. 473-476.

Ferdinand Berthoud, « Vue perspective de l’Horloge Marine » in : Essai sur l’horlogerie, dans lequel on traite de cet art relativement à l’usage civil, à l’astronomie et à la navigation, en établissant des principes confirmés par l’expérience, t. II, Paris : chez J. Cl. Jombert, Musier et Panckoucke (libraires), 1763, pl. XXX.