En 2015, à l’initiative de Karl-Friedrich Scheufele, la Chronométrie Ferdinand Berthoud, située dans le Val-de-Travers (Suisse), marquait la renaissance de l’un des plus grands noms de l’horlogerie : Ferdinand Berthoud (1727-1807).
La première collection FB 1 dévoilée à cette occasion, était le fruit d’un travail minutieux de recherche et développement ayant débuté quatre ans plus tôt, en 2011, dans le plus grand des secrets. Le but était de transposer dans un langage horloger contemporain la quête de précision initiée par Ferdinand Berthoud.
En 2025, la Chronométrie Ferdinand Berthoud fête ses 10 ans et demeure, plus que jamais, guidée par la recherche d’authenticité, dans le respect de l’œuvre de l’horloger éponyme. L’occasion pour son président, Karl-Friedrich Scheufele, d’évoquer le chemin parcouru en 10 questions.
1. Quel aspect du travail du maître-horloger oriente le développement de chacune des collections ?
Sans hésitation, la chronométrie. Ferdinand Berthoud a dévoué sa vie à la création de chronomètres de marine, de plus en plus précis, afin d’accompagner les expéditions maritimes qui ont jalonné et façonné le XVIIIe siècle. Le maître-horloger n’a cessé d’améliorer ses échappements, suspensions, matériaux et affichages pour atteindre des tolérances absolument extraordinaires pour l’époque. L’exemple le plus probant concerne certainement l’Horloge Marine N°8 (conservée au CNAM à Paris) qui, après 12 mois passés en mer, n’avait que 1,35 minutes d’écart par rapport au départ. Cette trajectoire personnelle a orienté la totalité des développements que nous réalisons aujourd’hui en son nom.
2. Comment cela se traduit-il à travers vos collections ?
Par un concept finalement assez simple : à chaque mouvement correspond une approche différente de la chronométrie. Chacun de nos calibres présente des choix techniques distincts, mais visant le même objectif : améliorer la précision. Ainsi, nous avons étudié les mécanismes que Ferdinand Berthoud lui-même plébiscitait, tels que la fusée-chaîne, le remontoir d’égalité ou encore le spiral cylindrique, afin de créer des garde-temps contemporains de poignet. Chaque mouvement qui quitte nos ateliers doit être certifié par le COSC, et les résultats obtenus sont d’ailleurs supérieurs aux critères imposés par cet organisme indépendant.
3. Quelles sont les distinctions qui vous ont le plus marqué ?
Celles que nous avons reçues au Grand Prix d’Horlogerie de Genève. La Chronométrie Ferdinand Berthoud a remporté 5 prix, sur les 5 éditions du GPHG auxquelles elle a participé. Ces récompenses incluent le Grand Prix de l’Aiguille d’Or, distinction suprême reçue dès notre première année d’existence, mais aussi et surtout, parmi ces 5 trophées, 3 prix de Chronométrie. Ces distinctions font de la Chronométrie Ferdinand Berthoud un cas unique dans l’histoire du GPHG.
4. Pourquoi avoir choisi d’établir la maison à Fleurier ?
Ferdinand Berthoud est né au Val-de-Travers. La Chronométrie qui porte son nom, également. Le premier, à Plancemont sur Couvet. La seconde, à Fleurier. Il y a moins de 5 kilomètres entre ces deux lieux et d’ailleurs, la maison natale de Ferdinand Berthoud existe toujours. Les garde-temps réalisés dans nos ateliers sont gravés de la mention « Val-de-Travers Suisse », une appellation d’origine contrôlée, en quelque sorte. A titre personnel, je suis engagé en viticulture ; par conséquent, ce respect des appellations justes et chargées d’histoire est primordial. Il s’agit ainsi du respect du terroir, en somme, parce Ferdinand Berthoud n’aurait certainement pas eu la vie qui fut la sienne s’il était né ailleurs.
5. Quelle importance accordez-vous à l’héritage et à l’histoire de Ferdinand Berthoud ?
Au sein de la manufacture à Fleurier, nous abritons un musée privé, le L.U.CEUM, ainsi qu’un espace muséal exclusivement dédié aux créations de Ferdinand Berthoud. Nos collections ont été patiemment constituées au fil du temps. Certains de ces objets historiques ont été restaurés selon les méthodes du XVIIIe siècle et sont tous en état de marche, ce qui est assez rare pour un musée. Il est important de le préciser car, au-delà d’être des sources d’inspiration pour nos propres créations, ces instruments de mesure sont aussi un héritage à préserver, tels de véritables témoins de l’œuvre et du génie du maître-horloger.
6. Quelle est la pièce historique la plus importante à vos yeux ?
Les chronomètres contemporains de Ferdinand Berthoud sont le fruit d’une démarche fondée sur leur cohérence historique. A ce titre, la Montre Astronomique N°3 (Ferdinand Berthoud, Paris, 1806) possède une valeur particulière, de notre point de vue : il s’agit tout d’abord du premier instrument de mesure du temps signé par Ferdinand Berthoud à avoir rejoint la collection du L.U.C.EUM en 2005, mais c’est aussi l’inspiratrice originelle des premières collections FB 1. Grâce à elle, nous avons choisi de développer un mouvement avec fusée-chaîne ou repris l’idée d’un compteur des heures et minutes positionné à midi et d’une longue aiguille centrale pour indiquer les secondes.
7. En 10 ans, comment ont évolué les ateliers ?
À sa création, la Chronométrie Ferdinand Berthoud ne comptait que 3 artisans. Ils sont aujourd’hui plus de 20, pour un peu de plus de 300 montres livrées en 10 ans. La demande reste actuellement largement supérieure à l’offre, mais nous sommes peut-être les seuls à communiquer à nos clients le nombre de calibres réalisés pour chaque référence. Nous ne prenons donc aucune commande au-delà de ce seuil, ce qui permet, par la même occasion, de limiter l’effet de « liste d’attente ».
8. Et qu’en est-il de la perception des collectionneurs sur cette même période ?
Les premières collections FB 1 ont volontairement été présentées en 2015 avec un boîtier de forme octogonale, très identitaire. Comme toute création marquant une rupture, nous avons remarqué un clivage entre partisans et opposants de cette esthétique : certains collectionneurs peinaient à y adhérer. Mais le changement requiert toujours un certain temps d’adaptation. D’ailleurs, il est amusant de constater que les puristes préfèrent aujourd’hui le style des boîtiers originels, celui qui a participé à façonner l’image de la Chronométrie Ferdinand Berthoud. Aujourd’hui, nous proposons aussi bien des boîtiers de forme ronde qu’octogonale, selon les collections, et ces deux silhouettes distinctes cohabitent très bien. Nous n’envisageons pas d’abandonner l’une au profit de l’autre.
9. Comment vos collectionneurs peuvent-ils apprécier le niveau de finition de vos créations ?
Chaque montre terminée est examinée avec un grossissement x 6,7. Il s’agit d’un choix bien au-delà des standards de l’horlogerie. Nous n’avons jamais fait de concession et les collectionneurs apprécient ce travail permanent, afin de leur offrir un service irréprochable. Nous les encourageons d’ailleurs toujours à venir visiter nos ateliers et à découvrir ainsi les coulisses de la fabrication de leur garde-temps. Ils peuvent ainsi apprécier tout le processus de création et comprennent mieux pourquoi chaque mouvement requiert plusieurs centaines d’heures de décoration manuelle.
10. 2025 est une année anniversaire pour la Chronométrie : que pouvons-nous en attendre ?
Nous avons prévu différentes activités tout au long de l’année, mais la révélation la plus attendue est, sans nul doute, l’aboutissement du projet « Naissance d’une Montre 3 ». L’initiative vise à réunir les talents d’hier et d’aujourd’hui, à rassembler leurs notes et croquis, à fédérer leur savoir au profit d’un objectif commun : non pas le garde-temps en lui-même, entièrement réalisé à la main, mais la préservation de tous les savoir-faire qui lui donnent vie. Le projet NM3 sera la consécration de nos 10 premières années d’apprentissage, d’innovation et de transmission. Il est attendu pour la fin de l’année 2025.